Et si nous prenions le temps d’écouter ?

par | Sep 5, 2025

Article publié dans la revue Pour un monde plus humain de UP for Humanness en mai 2025

Si nous constatons depuis le début de notre réflexion que les normes et certains types d’évaluation semblent contrevenir à la pratique du bon soin, comment s’en passer pour améliorer les pratiques, déterminer l’efficience de l’organisation ? Une question de critères, de recueil de ces évaluations ? Pour Stéphane Dardelet, ces évaluations doivent être prioritairement fondées sur la perception directe des résidents, de leurs proches et des soignants pour envisager ensemble les transformations requises.

« Les résidents sont les premiers experts ou les personnes les plus aptes pour dire et expliquer la manière dont ils perçoivent leur vie en établissement et ce qui leur convient ou non¹ » dit la Haute Autorité de Santé.

Nous sommes convaincus que cette perception, que cette écoute directe des résidents constitue un puissant vecteur de confiance entre les établissements seniors (EHPAD, résidences autonomie, etc.) et leurs publics. C’est dans cet esprit que la démarche Label Vivre a vu le jour il y a un peu plus d’un an, afin de faire émerger la première reconnaissance exclusivement fondée sur les retours d’expérience des résidents, de leurs proches et des salariés en établissements seniors.

Dans ces établissements, tout est affaire de temps. Un équilibre complexe se met en place entre ceux qui ne le comptent pas et ceux qui courent après.

Dès la première journée passée en EHPAD, un constat nous est apparu clairement : dans ces communautés de vie, le temps qui importe pour les résidents n’est pas le leur, mais celui qu’on saura leur accorder.

Capter les retours d’expérience auprès de personnes âgées le confirme amplement. Dans cet univers où le temps semble ne plus avoir de prise, le téléphone et internet n’ont pas leur place. Aussi, les questionnaires de satisfaction – papier – constituent-ils un révélateur implacable de notre incapacité à donner de notre temps si précieux, pour être à l’écoute de nos aînés.

Les facteurs de réussite d’une telle démarche sont multiples : mettre en confiance la personne interrogée sur un temps très court, garantir la confidentialité des échanges afin de permettre aux répondants de s’exprimer librement, ne pas mettre en difficulté la personne âgée avec un échange qui serait trop long et donc fatigant.

Que ressort-il des premiers retours obtenus² ?

Les résidents en EHPAD répondent positivement à 74 % à l’affirmation suivante : « En cas de besoin, l’équipe intervient rapidement ». La minorité qui y répond négativement mentionne notamment les manques d’effectifs et leurs rotations trop fréquentes. Certains répondent désabusés, comme si aucune solution n’était possible : « ils n’ont pas le choix », « ils font ce qu’ils peuvent », « les rythmes sont ce qu’ils sont ». Du côté des salariés, l’affirmation « J’estime que nous disposons de moyens humains suffisants pour mener correctement nos activités » est celle qui – en moyenne – obtient le moins de réponses positives, avec 35 %. Les résultats – très hétérogènes, entre 9 % et 62 % – exposent souvent des problèmes plus profonds liés à une organisation qui démontre certaines limites à résoudre une équation reposant sur une variable humaine.

Dans certains environnements, le poids de l’organisation isole un peu plus la personne âgée et désincarne l’accompagnement.

Les établissements qui présentent une forte satisfaction de leurs résidents utilisent l’organisation comme moyen d’atteindre un objectif commun, formalisé dans un projet d’établissement et incarné par l’équipe de direction.

Ces établissements montrent certains points communs :
Un projet centré sur la personne accompagnée : dans ce projet, la personne âgée n’est pas prise en charge, comme un patient que l’on soigne ou un résident à qui l’on rend un service. C’est un être humain que l’on accompagne, au sein de ce qui pourrait être son dernier lieu de vie.
L’importance donnée à la symétrie des attentions : dans un contexte aussi difficile, l’équipe doit être particulièrement solidaire. Afin d’y parvenir, l’organisation doit favoriser le dialogue, l’autonomie et l’accompagnement des salariés, notamment au travers de la formation.

Il s’agit de donner un sens concret au projet d’établissement dans lequel résidents, proches et salariés sont associés. Ce projet constitue un facteur clé pour instaurer une relation de confiance avec ses publics ; il permet aussi d’assurer son attractivité auprès des professionnels du secteur médico-social.

1. HAS, Guide méthodologique « Recueil du point de vue des personnes hébergées ou accueillies en EHPAD » publié le 20 septembre 2023. 2. Expérimentation menée d’avril à octobre 2024 auprès de 348 résidents, 226 proches et 238 salariés.

Stéphane Dardelet

Après une carrière en conseil en organisation de plus de quinze ans au sein de grands groupes, Stéphane cofonde – en 2023 – la démarche label Vivre, visant à distinguer les établissements seniors proposant une expérience positive à leurs résidents, aux familles et à leurs salariés. Il est l’auteur du livre blanc Mesurer l’expérience en établissement senior.

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