Écologie positive : une réalité possible ?

par | 27 Juin 2024 | Protection de l’enfance et engagement de la jeunesse

Article publié dans la revue Pour un monde plus humain de UP for Humanness en avril-juillet 2024

Étudiante en psychologie sociale, Amélie Le Dirach interroge la légitimité d’une écologie que l’on dirait positive alors que celle-ci peut revêtir un aspect pesant et inquiétant. La sensibilisation écologique gagnerait selon elle à davantage prendre en compte un certain type d’émotions, les émotions positives.

La transition écologique a été au centre de nombreux débats ces dernières années, controverses et malentendus, rendant la compréhension de ce sujet difficile pour tous. Il est cependant certain que « le rythme et l’ampleur des mesures prises jusqu’à présent ainsi que les projets actuels sont insuffisants pour s’attaquer au changement climatique »1. Cela suscite une prise de conscience urgente de la nécessité de passer de l’intention à l’action et dès aujourd’hui. Si nous ne passons pas tous rapidement à l’action, nous ne pourrons garantir notre existence dans un monde vivable et équitable durant les prochaines décennies2. Mais comment agir face à ces mauvaises nouvelles qui nous effraient, remettant en question le futur, non seulement le nôtre mais aussi celui de nos enfants ?

Il semble crucial de changer notre mode de vie, d’autant que la plupart des études sur la transition écologique soulignent que 40 % du chemin devra être accompli par une modification significative de nos comportements avec la « sobriété » et les « choix de société » comme principaux axes de changement3. De là, deux visions de l’écologie s’opposent : une écologie punitive face à l’écologie positive.

L’écologie punitive, expression qui est de plus en plus utilisée dans les discours politiques, impose des réglementations et sanctions pour contraindre les individus, entreprises et gouvernements à adopter des comportements plus respectueux de l’environnement. Par exemple, Jean-Marc Jancovici, ingénieur et expert du changement climatique, a amorcé la nécessité de faire des « compromis », notamment sur le transport. Il recommande de limiter nos voyages en avion à quatre fois au cours de notre vie. Les propositions de mesures écologiques radicales ne plaisent pas à tout le monde : « Marre de ces écolos qui veulent punir les Français »5. Face à la contestation d’une écologie punitive, ne pouvons-nous pas nous questionner quant à son efficacité ? Est-elle vraiment la solution ? Ou n’est-elle seulement qu’une solution pour faire face au changement climatique ?

L’écologie positive cherche à inspirer l’espoir et l’engagement en mettant en lumière les succès et les progrès réalisés dans la préservation de l’environnement.

Un autre mode de pensée a émergé, centré sur l’idée de ne pas se faire la guerre mais plutôt de s’émerveiller de la beauté de la nature et d’un monde meilleur : l’écologie positive. Cette approche met l’accent sur des actions volontaires, des solutions créatives ayant pour objectif de promouvoir un mode de vie durable et respectueux de la nature et valorise ainsi les initiatives pro-environnementales. Citéo s’en est inspiré pour encourager les Français à trier leurs déchets : « En France, on trie de mieux en mieux, alors on ne lâche rien ! »6. Ainsi, plutôt que de se concentrer uniquement sur les aspects négatifs, l’écologie positive cherche à inspirer l’espoir et l’engagement en mettant en lumière les succès et les progrès réalisés dans la préservation de l’environnement. Mais quels sont donc les mécanismes sur lesquels l’écologie positive s’appuie pour encourager un désir d’agir collectivement ?

Plusieurs chercheurs en psychologie sociale ont travaillé sur le rôle des émotions dans la motivation des individus à agir collectivement, en particulier les émotions positives. Par exemple, Maria Ojala a démontré que c’était l’espoir constructif plutôt que celui basé sur le déni qui donnait aux individus la conviction que leurs actions et celles des autres auraient un impact positif et favoriserait l’engagement pro-environnemental7. Ne faut-il pas avoir l’espoir que nous puissions ralentir le changement climatique ? En effet, l’espoir est une émotion puissante qui nous incite à percevoir la possibilité d’un changement dans le futur et à nous sentir capable d’y contribuer par des actions positives8. Et ne faut-il pas non plus aussi reprendre notre place d’enfant et notre facilité à être émerveillé ? L’émerveillement peut justement nous permettre de redécouvrir la nature et de nous donner envie de la protéger. En intégrant ces émotions positives dans les stratégies de sensibilisation et d’éducation, les initiatives écologiques ne seront plus perçues comme contraignantes mais au contraire, comme sources de motivation à faire des efforts et à agir tous ensemble.

« Ce ne sont en effet ni les menaces, ni les prophéties apocalyptiques, ni les leçons de morale, ni même les raisonnements rationnels qui changeront notre société. (…) Plus encore qu’une écologie humaniste, il faut une écologie humaine, chaleureuse, qui nous réconcilie avec nous-mêmes et avec notre siècle. Et je crois que là est l’avenir de l’écologie »9.

1 GIEC, Rapport de synthèse du sixième cycle d’évaluation (AR6), mars 2023. 2 GIEC, Rapport de synthèse du sixième cycle d’évaluation (AR6), mars 2023. 3 Haëntjens, J., « Le désir d’écologie, impensé de la transition », Futuribles, 2022, n°450, p. 58 Pouliquen, F., « Avion : Un quota de vols pour toute la vie… Une idée pas si folle, dites-vous ? », 2022, 20minutes.Pouliquen, F., « Avion : Un quota de vols pour toute la vie… Une idée pas si folle, dites-vous ? », 2022, 20minutes. https://on-ne-lache-rien.citeo.com 7 Ojala, M., « Hope and climate change: The importance of hope for environnemental engagement among young people », Environmental Education Research, 2012. 8 Van Zomeran et al., « Is hope good for motivating collective action in the context of climate change? Differentiating hope’s emotion- and problem-focused coping functions », Global Environmental Change, 2019 9 Arthus-Bertrand, Y., dans Blond, O., Pour en finir avec l’écologie punitive, Editions Grasset, 2018

 

 

Amélie Le Dirach

Étudiante en psychologie sociale, elle s’intéresse aux moteurs de l’action collective dans le contexte du changement climatique. Après ses études, elle souhaite aider les personnes en difficulté à trouver leur place au sein de la société.

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