Article publié dans la revue Pour un monde plus humain de UP for Humanness en avril-juillet 2024
Toutes les quatre membres de l’association RAFUE, Claire Galais, Anne Vittocoq, Marie-Agnès Chauvin et Florence-Marie Jégoux contribuent chacune à leur manière à assurer un accompagnement psychique et mental aux personnes atteintes d’éco-anxiété ou de solastalgie. Deux formes de détresse psychique, qui, si elles sont correctement prises en charge, peuvent constituer un levier d’action écologique majeur !
L’éco-anxiété est le terme aujourd’hui majoritairement utilisé pour décrire l’ensemble des émotions générées par le contexte global de dérèglements environnementaux (climat, pollution, disparition des espèces, déplacement de populations, maladies…). Ce terme englobe des états plus ou moins intenses de peur, de tristesse, de colère, de culpabilité, d’impuissance, d’isolement, d’insécurité, de désespoir… pouvant être ressentis face aux multiples enjeux au croisement de l’écologie, du social, de l’économique et du politique.
L’éco-anxiété renvoie à un questionnement existentiel. Les personnes éco-anxieuses sont d’abord des individus qui développent une conscience aiguë des dysfonctionnements du monde. L’éco-anxiété apparaît alors, face à une menace sans précédent, comme une fonction adaptative que l’on peut nommer éco-lucidité : l’éco-anxiété est une réaction saine à un monde devenu fou.
Qui sont les éco-anxieux ?
Potentiellement chacun d’entre nous, quels que soient l’âge et la classe sociale.
Les sentiments d’urgence et de responsabilité conduisent parfois au « burn out » professionnel les personnes qui travaillent dans le domaine écologique. On constate aussi un «burn out militant» pour celles qui sont investies dans des actions collectives, locales ou globales (associations, ONG etc…).
Quels accompagnants ?
Psys, coachs, médecins sont en première ligne pour accompagner les éco-anxieux, que la demande soit explicite ou, souvent dans un premier temps, implicite. L’éco-anxiété a la spécificité d’être partagée, à des degrés divers, par l’éco-anxieux et par l’accompagnant. Cela implique pour ce dernier un travail sur sa posture et la régulation de ses propres émotions qui va au-delà du travail inhérent à sa pratique habituelle. Il demande une vigilance et un ajustement de tous les instants.
Au-delà des professionnels de la santé, les enseignants devraient être systématiquement sensibilisés au thème de l’éco-anxiété afin de pouvoir entendre la souffrance des jeunes, y compris les signaux faibles, et de pouvoir, le cas échéant, les orienter vers une prise en charge ad hoc.
Quelles propositions d’accompagnement ?
L’éco-anxiété n’est pas en soi pathologique, elle n’est pas répertoriée dans les manuels de référence des troubles psychiques et c’est indispensable qu’elle ne le soit pas. Cela reviendrait sinon à pathologiser l’individu en détournant la tête des profonds dysfonctionnements du monde. L’éco-anxiété peut néanmoins conduire à des états de dépression ou d’anxiété pathologique. En effet, elle s’inscrit de manière spécifique dans le parcours de vie de chacun, peut venir révéler des souffrances anciennes, des traumatismes aussi bien qu’une puissance d’action ou des élans divers.
Les accompagnements peuvent être individuels, ou en groupe, ce qui permet aux personnes éco-anxieuses de ressentir profondément qu’elles ne sont pas seules à ressentir de la douleur face à l’état du monde et à agir pour changer la situation.
L’éco-anxiété n’est pas un symptôme, c’est un cri provoqué par une ouverture, qui peut être vertigineuse, de la conscience qui nous relie au monde. Y répondre, c’est permettre d’œuvrer à la fois à une transition écologique extérieure et à une transition intérieure, vers davantage de connexion à soi-même et au vivant. Pour ce faire, trois axes interdépendants sont essentiels :
Se relier à soi : créer ou recréer le lien intérieur avec toutes les parties de soi enfermées ou oubliées par la « nécessaire » adaptation à la vie (telle qu’elle nous a été présentée…), restaurer l’imaginaire. L’éco-psychologie est là d’un grand recours.
Se relier au vivant : travailler avec l’autre que soi, avec tout le vivant, ressentir corporellement les attaches avec le monde animal, végétal et minéral. Joanna Macy, Betty et Théodore Roszak ou Carl Gustav Jung ont été les précurseurs de ce type de travail.
Se relier aux autres êtres humains : amplifier les liens basés sur les échanges émotionnels et sensoriels, la collaboration et l’entraide. Ici, la permaculture sociale et toutes les approches qui développent la sécurité psychologique et relationnelle sont précieuses.
Regardons l’éco-anxiété comme un levier qui nous pousse à croître en conscience et en humanité !
Claire Galais
Médecin généraliste membre du cercle des médecins du RAFUE. Autrice de la thèse : Vivre au temps des changements environnementaux globaux, co-autrice de l’article : « Éco-anxiété et effets du dérèglement global sur la santé mentale des populations ».
Anne Vittocoq
Gesthalt thérapeute, cercle formation, représentante du cercle psys du RAFUE.
Marie-Agnès Chauvin
Psychologue, coach, autrice, cercle formation, cercle psys et coachs du RAFUE.
Florence-Marie Jegoux
Facilitatrice et formatrice du «travail qui relie», coach, psychopraticienne, cercle vie interne, formation, communication, représentante du RAFUE.
Le RAFUE
(Réseau des professionnels de l’Accompagnement Face à l’Urgence Écologique)
Le réseau rassemble tout type de professionnels de l’accompagnement (psychologues, psychothérapeutes, psychiatres, coachs, sophrologues etc.) conscients de l’impact des phénomènes environnementaux sur la santé psychique et mentale. Il traite des nouvelles souffrances issues de la dégradation de notre écosystème telles que l’éco-anxiété, la solastalgie et le deuil écologique. Ils favorisent la reconnexion avec le vivant (environnement humain et non humain) pour contribuer à construire un monde pérenne et de nouvelles manières d’y vivre en traversant les tumultes actuels et en se préparant à ceux à venir.