Article publié dans la revue Pour un monde plus humain de UP for Humanness en septembre 2024
Pour soigner les maladies mentales, de nombreuses initiatives thérapeutiques non médicamenteuses (INM) ont vu le jour. Seulement, un cadre scientifique leur manquait et desservait le soin qu’elles cherchaient à offrir. Grégory Ninot explique dans cet article l’apport crucial du NPI Model élaboré en 2023 par la société savante NPIS dont il est président et qui a pour but de créer ce cadre dont les INM manquent pour être pleinement efficaces.
Un problème croissant entre santé et bien-être
Sans cadre d’évaluation consensuel, sans description standardisée, sans qualification juridique, sans traçabilité, sans garantie, sans éthique pluri-professionnelle en santé, sans formation spécifique, les pratiques corporelles, nutritionnelles et psychosociales de prévention et de soin devenaient une boîte de pandore intégrative où tout se mélangeait, tout s’équivalait, tout semblait voué au dogme des traditions, des opinions et des expériences singulières. Des études montraient la multiplication des accidents, des espoirs déchus, des retards de diagnostic, des errances thérapeutiques, des abus, des dérives, des pertes de chance, des dépenses inutiles1 et 2. Sans cadre scientifique, il était impossible de blâmer les bénévoles armés de bonnes
Une fiche INM à l’identifiant numérique unique
Le NPI Model permet de mettre en œuvre les INM efficaces pour la santé des publics concernés et efficientes pour les opérateurs. Une intervention non médicamenteuse ou INM est un « protocole de prévention santé ou de soin efficace, personnalisé, non invasif, référencé et encadré par un professionnel qualifié »4. Chaque INM est implémentable, traçable, engageante et monétisable. Chaque fiche d’INM est validée par un processus standardisé, intègre et rigoureux d’expertise. Un badge numérique exclusif exige une qualification du praticien et un contexte précis pour son usage.
Le référentiel des INM, un registre partagé et ouvert de fiches INM
Une bibliothèque des fiches INM labellisées est en construction, la NPIS l’a nommé le Référentiel des INM. Il est installé sur un site Internet avec une base de données ouverte par API5 à tous les opérateurs de santé et les organismes assurantiels. Ainsi, chaque professionnel de la prévention, du soin, du social, du handicap, de la fin de vie ou de l’aide à la personne travaillant comme indépendant, en organisation territoriale ou en établissement dispose d’un registre standardisé de pratiques efficaces, sûres, traçables et valorisables. Il peut choisir l’INM pertinente et l’ajuster à la situation des personnes cibles. Ce professionnel a évidemment la liberté de concevoir lui-même son programme et d’en assumer les bénéfices et les risques après avoir informé les usagers. Chaque financeur dispose de garanties de la bonne exécution de l’INM en fonction de la problématique de santé visée et d’une meilleure efficience des procédures de remboursement et de contrôle.
L’ambition
L’ambition de la NPIS à travers le référentiel est de fédérer les énergies respectant l’EBM6 et l’approche biopsychosociale en santé (aussi appelée approche centrée patient) pour identifier et partager les INM au profit des personnes malades ou vulnérables. Or, on constate des volontés de divers organismes publics et privés de créer leurs propres bibliothèques de pratiques de prévention et/ou de soin. Cette diversité génère des recommandations contradictoires et des temps de latence de mise à jour vis-à-vis des avancées de la science. Elle nuit aussi à l’opérationnalisation des innovations, les professionnels préférant « réinventer la poudre » avec la faible efficience, les risques, les amalgames et les pertes de chance connus notamment dans la prévention7, 8. La science montre que des INM sont des atouts pour la santé, l’autonomie, la qualité de vie et la longévité des citoyens, malades ou fragiles. La NPIS va construire un « patrimoine universel de protocoles immatériels de prévention et de soin fondés sur des données probantes », complémentaires d’autres pratiques de santé (traitement biomédical, hospitalisation, action de promotion de la santé, aménagement environnemental). Leur identification et leur mise à jour se feront sur la base d’une expertise collective impliquant les sociétés savantes, les autorités de santé, les agences nationales et les organisations d’usagers. Le référentiel des normalized person-centered interventions labellisées sera évolutif avec les avancées de la recherche, les retours d’usage et les expertises collectives.
Précision : Les interventions non médicamenteuses sont des soins préventifs ou thérapeutiques qui ne recourent pas à la pharmacologie et qui ont pour objectif de s’adapter de manière plus spécifique au vécu du patient. Leur élaboration est scientifiquement fondée. On trouve entre autres parmi les INM des thérapies alimentaires, des méthodes d’hypnose, d’acupuncture, mais aussi des systèmes de réalités virtuelles.
1 Ninot G (2019). Guide professionnel des interventions non médicamenteuses. Paris : Dunod.
2 Noguès G (2022). Les enjeux économiques, sociaux et environnementaux du marché des INM en santé. Nice : Ovadia.
3 HAS (2011). Développement de la prescription de thérapeutiques non médicamenteuses validées. Paris : HAS.
4 Ninot G, Descamps E, Achalid G et al. (2023). NPI Model: Standardised framework for evaluating non-pharmacological interventions in the French health context. HAL, hal-04360550.
5 Application Programming Interface : interface qui permet de connecter deux logiciels pour partager des données
6 Evidence-Based Medecine : médecine fondée sur les faits.
7 Ninot G (2019). Guide professionnel des interventions non médicamenteuses. Paris : Dunod.
8 Noguès G (2022). Les enjeux économiques, sociaux et environnementaux du marché des INM en santé. Nice : Ovadia.
Grégory Ninot
Il est directeur adjoint de l’Institut Desbrest d’Épidémiologie et de Santé Publique. Il est aussi chercheur associé à l’Institut du Cancer de Montpellier et président de la société savante Non-Pharmacological Intervention Society (NPIS).