Article publié dans la revue Pour un monde plus humain de UP for Humanness en février 2025
Sonia a été victime de traite sexuelle au Congo, dans différents contextes, avant de réussir à venir en France où elle a été aidée à en sortir. Elle raconte son parcours douloureux vers l’autonomie et la sécurité.
Ma vie a été remplie d’épreuves, mais aujourd’hui, je veux partager mon histoire pour montrer qu’il est possible de se relever. Je m’appelle Sonia et je viens du Congo.
Quand j’étais petite, j’ai grandi entourée d’amour, surtout celui de ma grand-mère. Elle a toujours cru en l’importance des études, et grâce à elle, j’ai réussi à obtenir mon bac. Après son décès, tout a changé. J’ai dû vivre chez ma tante, et peu après, son mari est mort. C’est là que tout s’est écroulé : ma tante m’a accusée de sorcellerie, de causer la mort des gens autour de moi. Elle m’a mise à la porte, sans rien, comme si je n’étais plus qu’un fardeau.
Je n’avais nulle part où aller. Une église m’a ouvert ses portes, et je pensais être en sécurité, mais le pasteur a abusé de moi plusieurs fois. Quand j’ai voulu en parler, sa femme ne m’a pas crue. Elle m’a rejetée à son tour. J’étais seule, perdue, sans rien pour vivre. Une femme m’a proposé de m’héberger : j’ai compris qu’elle se prostituait pour subvenir à ses besoins et payer l’hébergement, et j’ai alors décidé́ de la suivre dans son activité pour participer aux frais.
En 2018, j’ai rencontré un homme qui semblait me comprendre. Nous sommes rapidement tombés amoureux et avons emménagé ensemble. Au début, il m’a soutenue, et j’ai arrêté la prostitution. Mais peu de temps après, il a commencé́ à m’y forcer à nouveau. J’avais peur : peur de ses violences, peur qu’il m’abandonne. Alors, j’ai cédé.
Quand j’ai appris que j’étais enceinte, j’ai espéré un changement. Mais il m’a frappée si violemment que j’ai perdu mon bébé. J’ai dû subir une césarienne, c’était un des moments les plus durs de ma vie. Même en sortant de l’hôpital, il m’a forcée à retourner dans la rue, ma santé déclinait physiquement et mentalement. Un jour, je n’ai plus supporté et j’ai décidé de fuir.
J’ai porté plainte deux fois, mais rien n’a été fait. Mon ex-conjoint continuait de me menacer. Je n’avais plus d’autre choix que de quitter le pays. Un ancien client a organisé mon départ, sans dire où j’allais. Début 2022, je suis arrivée en France. Je n’avais rien, mais pour la première fois depuis longtemps, je me sentais en sécurité́, loin de mes bourreaux.
Grâce à plusieurs associations à Grenoble, j’ai pu rapidement être prise en charge. À l’automne 2022, j’ai obtenu une chambre dans une colocation solidaire de l’association Magdalena. C’était un vrai foyer. J’ai aussi commencé́ à travailler avec l’association Solenciel, qui m’a permis de retrouver une dignité́ à travers un emploi. C’est là que tout a commencé́ à changer pour moi, j’ai été accompagnée pour me reconstruire, étape par étape.
Après deux ans de reconstruction et pour préparer mon avenir, j’ai quitté Solenciel à l’été 2024 pour commencer une formation en alternance dans la petite enfance, un domaine qui me passionne. J’ai aussi pu obtenir un logement social rien que pour moi. C’est un symbole de ma liberté́ retrouvée.
Aujourd’hui, je veux dire que même après les pires épreuves, il est possible de renaître. Avec du soutien et du courage, la vie peut reprendre un sens.
Sonia
Salariée de l’association Solenciel, elle a accepté de raconter son parcours dans le cadre de notre dossier. Ancienne prostituée, elle est aujourd’hui étudiante dans le secteur professionnel de la petite enfance.
Son prénom a été changé en vue de l’article.