Télétravail : faire participer les travailleurs et les travailleuses

par | Oct 28, 2025

Article publié dans la revue Pour un monde plus humain de UP for Humanness en juillet 2025

Le télétravail est une révolution mais une révolution à nuancer. C’est le constat de la CFDT qu’Isabelle Mercier nous explique dans cet article. Prônant la démocratisation du télétravail, elle expose tout de même les conditions nécessaires à sa bonne mise en pratique pour préserver la qualité de vie des travailleurs.

Le télétravail, une révolution… pour un quart des travailleurs

L’essor du télétravail durant la crise sanitaire a considérablement et durablement modifié l’organisation et les conditions de travail de nombreux travailleurs¹ … mais pas de tous ! En effet, le télétravail concerne 2 salariés sur 3 parmi les cadres, seulement 2 sur 10 parmi les professions intermédiaires et 1 sur 10 parmi les employés². Il y a donc un inégal accès à cette pratique. Pourtant, elle est plébiscitée par celles et ceux qui en bénéficient³. Pour la CFDT, cela est dû au fait que le télétravail n’est pas pensé au regard des tâches réellement effectuées et qui pourraient être télétravaillables. Accepter de parler du travail réel, de l’organisation du travail permettraient d’élargir cette pratique.

Un recul de la part de certains employeurs

Si on note un recul de certains employeurs à l’international (qui peut aller jusqu’à une suppression totale du télétravail), celui-ci prend plutôt la forme, en France, d’une augmentation du nombre de jours de présence sur site. 46% des travailleurs de l’Hexagone seraient prêts à quitter leur entreprise si elle supprimait le télétravail⁴ … De façon générale, les employeurs qui ont besoin d’agir sur l’attractivité et la fidélisation savent que le télétravail fait partie des leviers à mobiliser. D’autant plus que la France, avec seulement 0,6 jour de télétravail hebdomadaire en moyenne, se situe en dessous des moyennes européenne (0,8) et mondiale (0,9)…

La démocratisation du télétravail… mais pas à n’importe quelle condition

Parce qu’il est source d’émancipation, d’un meilleur équilibre des temps (vie privée/vie pro) et d’un impact écologique positif, la CFDT porte la démocratisation du télétravail.

Compte tenu de son essor, il est indispensable de ne plus le négocier comme une thématique isolée mais de l’intégrer à une réflexion plus globale sur l’organisation du travail. Pour la CFDT, il est fondamental que les collectifs soient préservés, en distanciel comme en présentiel. Pour cette raison (maintien des collectifs de travail) et d’autres (risque d’isolement, troubles psychosociaux, …) il est très important d’évaluer ces accords régulièrement et de les réajuster via l’organisation de temps collectifs, mais aussi en faisant évoluer les pratiques managériales. Ces éléments doivent avant tout être discutés avec les travailleurs, au plus près de leurs réalités.

Des points de vigilance

Que le télétravail s’effectue à domicile ou dans un tiers-lieu, la CFDT reste particulièrement vigilante sur les points suivants :

  • Préserver le double volontariat, la condition sine qua non à la mise en œuvre du télétravail.
    Le développement du flex-office ou des conditions de travail dégradées en présentiel mettent à mal cette liberté de choix.
    Le télétravail devient alors une fuite et s’impose aux travailleurs ;

  • Prévenir l’impact du télétravail sur les conditions de travail, d’emploi et de conciliation des temps avec une vigilance accrue sur les parcours des femmes.
    On sait que les conditions de télétravail des femmes sont moins favorables que celles des hommes et que l’impact de celui-ci peut être à double tranchant sur leur évolution de carrière et leur qualité de vie ;

  • Maintenir des temps collectifs et l’invention de nouveaux systèmes relationnels pour maintenir les liens dans l’entreprise et dans l’administration

  • Faciliter l’accès au télétravail pour les travailleurs en situation de handicap, proches aidants ou porteurs de maladie chronique.

  • Rendre effectif le droit à la déconnexion – intégrant la charge de travail, car le télétravail entraîne souvent une porosité entre les temps professionnels et personnels

  • Rechercher des solutions alternatives (flexibilité horaire, semaine de 4 jours…) pour les « exclus » du télétravail.

Pour tous ces sujets, il est primordial d’avoir des temps dédiés dans les entreprises et les administrations, à l’organisation du travail, la qualité de vie au travail, avec les organisations syndicales et les travailleurs et travailleuses.

Pour développer ces pratiques et « parler du travail », la CFDT a lancé le Travail que nous voulons, un projet collectif porté par les travailleurs, travailleuses et leurs représentants, pour être impliqués dans les décisions qui les concernent et dans la définition des stratégies des structures qui les emploient. Les travailleurs et travailleuses souhaitent aussi pouvoir discuter des finalités de leur travail, ainsi que des modes de production et d’organisation.

¹ Environ un quart des travailleurs français pratique le télétravail. (enquête DARES 2023)
² INSEE, Analyses n°105, février 2025 (salariés du secteur privé)
³ Plus de 90% des télétravailleurs veulent continuer à télétravailler. (enquête DARES 2023)
⁴ Sondage Yougov pour le Huffpost, octobre 2024

Isabelle Mercier

Éducatrice de jeunes enfants, Isabelle Mercier occupe les fonctions de secrétaire générale de l’Union départementale CFDT de Loire-Atlantique (2009-2014) puis de l’URI Pays de la Loire (2014-2023). En 2023, elle rejoint la confédération en tant que secrétaire nationale responsable notamment des questions du travail.

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