Pour le temps qu’il nous reste à vivre ensemble

par | Sep 5, 2025

Article publié dans la revue Pour un monde plus humain de UP for Humanness en mai 2025

Si le temps imprègne autant notre langage, c’est qu’il mérite qu’on y porte l’attention qui convient. C’est ce que Michel Billé souligne ici en précisant que cette attention au temps est d’autant plus cruciale à adopter au moment de la fin de vie. Le soin en est l’incarnation la plus vivante.

Au cours des cinquante dernières années, les évolutions sociétales ont transformé notre rapport au temps, nous incitant à passer d’un rapport au temps fondé sur la lenteur, sur la durée, à un rapport au temps fondé sur la vitesse, l’instant, l’immédiateté. Prendre le temps, prendre son temps est devenu un luxe auquel beaucoup de nos contemporains ne sauraient prétendre. Il faut gagner du temps, le temps c’est de l’argent et nous n’avons ni argent ni temps à perdre… D’autant que le temps passe et qu’il « saura faner vos roses comme il a ridé mon front » (Corneille, Stances à Marquise).

Alors ce temps qui passe et que nous ne maîtrisons jamais nous manque dans tous les domaines de nos vies au point que pour dire ce manque nous imaginions « courir après le temps » pour « rattraper le temps », « avoir ou prendre encore un peu de temps » parce que Tempus fugit, memento mori.

Oui nous allons mourir ! Et même si nous n’en connaissons « ni le jour ni l’heure » (du moins tant que la mort n’est pas tout à fait programmable…), la mort viendra. Il se peut alors que nous ayons besoin d’être accompagnés dans cette phase de vie qui nous rapproche de la mort, même si, évidemment elle nous en sépare encore. Cet accompagnement que nous espérons bienveillant exige que celle ou celui qui le réalise puisse disposer du temps nécessaire. De sorte que la disponibilité puisse permettre de ne jamais bousculer, de ne jamais blesser celui qui, vulnérable, a plus que jamais besoin qu’on prenne le temps de partager avec lui le temps qu’il lui reste à vivre.

Pour le temps qu’il nous reste à vivre ensemble… Cet accompagnement, c’est le soin, au plus beau sens du terme ! Soigner, prendre soin de l’autre ! Répondre à ses « be-soins », porter le souci de l’autre, tenir sa main, bien au-delà de la technicité nécessaire du soin. Ce soin ne saurait se donner sans le temps nécessaire et bien peu mesurable, évaluable, comptabilisable. Ce temps n’a pas de prix !

Cette bienveillance du soin, du temps du soin, accompagne et sauve parfois celle ou celui qui, quel que soit son âge, sans cette main tendue serait parti un peu trop tôt, beaucoup trop tôt…

Michel Billé

À l’origine éducateur spécialisé, puis formateur devenu sociologue, Michel Billé travaille essentiellement sur les questions relatives aux situations de handicaps, au vieillissement de la population et aux transformations des structures familiales. Conférencier, il est membre de plusieurs instances de réflexion éthique et auteur de nombreuses publications traitant de ces problématiques.

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