Burn-out : un regard à 360°

par | 7 Jan 2025 | Entreprise et Responsabilités, Santé et soin

Article publié dans la revue Pour un monde plus humain de UP for Humanness en février-avril 2023

Le burn-out ressort souvent lorsqu’on aborde le sujet de la santé mentale. Adrien Chignard nous expose les tenants et aboutissants de cet épuisement dû au travail. Les solutions qu’il envisage sont notamment mises en pratique au sein du cabinet de conseil spécialisé Sens & Cohérence qu’il a fondé et qu’il dirige depuis 10 ans.

Les personnes en situation de travail sont en meilleure santé que les autres : le travail est donc bon pour la santé et ce sont les conditions dans lesquelles nous l’exerçons qui peuvent l’altérer. Les derniers chiffres publiés par Santé Publique France mettent en lumière une santé psychologique des Français considérablement dégradée. Si le travail reste le premier lieu de socialisation de l’adulte, il semble aujourd’hui que pour certains, il soit en panne. Il ne soigne plus mais esquinte les corps et les esprits. Parmi ces phénomènes, l’épuisement professionnel ou burn-out occupe autant les esprits que les médias depuis quelques années.

Décrit dans les années 1970 par le psychiatre Freudenberger, il est une forme d’épuisement tridimensionnel consécutif à une exposition de longue durée à des conditions de travail nocives pour la santé. Défini métaphoriquement comme un immeuble en feu dont la façade ne montrerait rien, alors que l’intérieur se serait entièrement consumé, le burn-out est insidieux. Il débute avant même le fracas de l’arrêt de travail. Bien souvent, le choc de la personne qui tombe physiquement ou symboliquement est bruyant et on a tendance à ne regarder que les conditions très récentes qui auraient conduit à la brutalité de cette situation. Mais il n’en est rien et les études sont univoques : on ne chute pas parce qu’on ne sait pas marcher, mais parce que le sol est accidenté et c’est l’exposition de longue durée qui crée l’épuisement.

Fatigue et épuisement sont d’ailleurs deux concepts différents. On peut être fatigué après une longue journée de travail au cours de laquelle nous avons avancé sur nos projets. Une nuit de sommeil suffit alors à restaurer sa force de travail. L’épuisement montre un profil autre : on peut avoir réalisé la même journée mais sans avoir atteint un seul objectif. Comme si nous pédalions frénétiquement sur un vélo dont on aurait ôté la chaîne. On produit les mêmes efforts, mais sans aucun résultat et c’est un des plus grands facteurs dépressogènes. Comment maintenir santé et motivation si nous ne percevons plus de lien entre les efforts que nous fournissons et les résultats obtenus ?

La survenue du burn-out est précédée du « burn-in » ou présentéisme, une présence au travail alors que nous devrions déjà être arrêtés. Comme si nous accélérions sur l’autoroute, alors que la jauge d’essence clignote. Personne ne peut vous dire quand ça arrivera, mais il est possible d’affirmer avec certitude que la panne sèche est inéluctable.

Prévenir le burn-out suppose de comprendre l’environnement qui permettra d’éviter sa survenue : le climat de sécurité psychologique.

Caractérisé d’abord par une intense fatigue qui donne le sentiment d’une lassitude constante, il se double d’une forme de cynisme ou « syndrome John Wayne », comme si nous étions impassibles et désengagés des tâches du quotidien. Non que l’on soit démotivé, on doit simplement se désengager psychiquement d’un travail qui nous consume plus qu’il ne nous ressource. La dernière composante est une dévalorisation, un sentiment de manque d’accomplissement, qui nous fait nous sentir inutile et incapable de progresser.

Prévenir le burn-out suppose de comprendre l’environnement qui permettra d’éviter sa survenue : le climat de sécurité psychologique. Il se caractérise par la possibilité donnée aux salariés d’exprimer leur vulnérabilité ou leurs difficultés sans qu’on les fasse culpabiliser. Ces difficultés peuvent être d’ordre personnel mais aussi relatives à l’activité professionnelle comme l’insatisfaction quant aux conditions de travail ou aux méthodes employées. Pour y parvenir, les organisations gagneraient à favoriser l’expression d’une large gamme d’états émotionnels. En effet, depuis la survenue des questions relatives au bonheur au travail, on survalorise les émotions dites positives, c’est-à-dire la joie, l’émerveillement ou l’optimisme. Cela revient à penser qu’on ne pourrait aimer la vie que lorsqu’elle est belle, mais c’est aimer une chimère. En effet, chaque émotion a une fonction dans la survie de l’espèce, et si la tristesse active l’empathie des autres, la colère donne le sursaut d’énergie pour lutter contre l’injustice à la source de cette dernière. Pouvoir exprimer la diversité de ses émotions avec ses pairs permet de détecter précocement les personnes en difficulté. Cela évite de sombrer dans la spirale de la souffrance et de l’isolement qui conduit à l’épuisement professionnel. Il est parfois nécessaire de savoir entendre le pire pour cheminer vers le meilleur.

Adrien Chignard

Psychologue du travail et des organisations depuis 2006, il est spécialisé dans la prévention des risques psychosociaux et dirige le cabinet de conseil Sens & Cohérence qu’il a fondé il y a 10 ans. Il enseigne dans deux universités et publie des ouvrages de vulgarisation sur la thématique de la santé mentale au travail auprès de différents éditeurs.

 

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