Étincelle du 6 avril : l’accueil

par | 9 Avr 2021 | Insertion durable

Accueil d’autrui, accueil de la différence, d’un autre point de vue ou encore non accueil. Voici les thèmes qui furent abordés dans l’Étincelle du 6 avril consacrée à ce sujet. Retrouvez ici l’oeuvre d’art, la musique et les textes choisis pour partager autour de l’accueil.

L’accueil dans l’art

Restout la naissance de la vierge Etincelle accueilJean Restout, La naissance de la Vierge, 1744

L’accueil en musique

La musique du jour nous est proposée par Guive & the Ora (The Original Reggae Addicts).

L’accueil dans la poésie…

Sur le seuil

Et voilà que sur le seuil, je m’arrête.
Sur quel seuil de quelle maison ?
Si c’est la tienne, suis-je bienvenu ?
Je suis tenté de faire marche arrière, de ne frapper à la porte.
Après tout, elle est fermée.

J’ai tant rêvé de portes ouvertes.
A travers, je perçois des voix,
la mienne pourra-t-elle s’entendre, faire symphonie ?
C’est sûr, je ne suis pas toi, pas comme toi pas pareil.
Et pourtant semblable.

Et voilà que sur le seuil, je me demande qui est mon semblable.
Je sais bien que parfois on se sent plus proche
du chat ou du chien que de son voisin.

Et voilà que dans l’œil,
Quand s’écartent les taillis de la vie, les œillères têtues des préjugés,
s’ouvrent des sentiers de beauté,
bordés d’arbres qui retentissent d’oiseaux,
des mains serrées qui osent un langage de fraternité, des visages éclairés.

Yves Béal, 2016, in Le ciment des racines, Ed. Un euro ne fait pas le printemps


…dans la philosophie…

En fait c’est dans son incertitude que réside largement la valeur de la philosophie. Celui qui ne s’y est pas frotté traverse l’existence comme un prisonnier : prisonnier des préjugés du sens commun, des croyances de son pays ou de son temps, de convictions qui ont grandi en lui sans la coopération ni le consentement de la raison.

Pour un tel individu, le monde tend à devenir défini, fini, évident ; les objets ordinaires ne font pas naître de questions et les possibilités peu familières sont rejetées avec mépris. Dès que nous commençons à penser conformément à la philosophie, au contraire, nous voyons que même les choses les plus ordinaires de la vie quotidienne posent des problèmes auxquels on ne trouve que des réponses très incomplètes.

Sans doute la philosophie ne nous apprend pas de façon certaine la vraie solution aux doutes qu’elle fait surgir : mais elle suggère les possibilités nouvelles, elle élargit le champ de la pensée en la libérant de la tyrannie de l’habitude. Elle amoindrit notre impression de savoir ce que sont les choses, mais elle augmente notre connaissance de ce qu’elles pourraient être ; elle détruit le dogmatisme arrogant de ceux qui n’ont jamais traversé le doute libérateur, et elle maintient vivante notre faculté d’émerveillement en nous montrant les choses familières sous un aspect nouveau.

Bertrand Russell, Problèmes de philosophie, 1912


…et dans la littérature

Une énorme porte verte sans serrure, une petite encoche avec des grilles. Par un sas un gardien me regarde, l’air soupçonneux. Il me demande le motif de ma visite et ma carte d’identité. J’attends. Il fait froid. On est en avril. Le gardien revient avec une énorme clé. J’entre enfin.

D’abord le système pour détecter les métaux. Bien évidemment, il s’emballe. Je vide mes poches, mon sac est fouillé. « Bien, laissez votre casque de moto ici, je vais appeler pour voir si vous êtes attendue. » […] On ouvre une grille, puis une autre. J’arrive alors dans une espèce de cathédrale bizarre aux murs tout écaillés, d’où partent six chemins qui paraissent sans fin.

Au milieu de ce carrefour, une multitude de gardiens qui rigolent autour d’une tour centrale, tout en verre, très kitsch ; des groupes de gens qui bavardent. […] Une pendule circulaire, de taille imposante, arrêtée depuis plus de quinze ans. Encore un sas, des grilles partout, et une énorme porte sans aucune ouverture : le mitard. Un gardien qu’on appelle le bricard vient ouvrir avec un trousseau de clés impressionnant. Je grimpe un escalier en colimaçon. Je suis enfin arrivée au but.

Véronique Vasseur, Médecin-chef à la prison de la Santé, 2000, Ed. Le cherche midi


Ne reculer devant rien ; accueillir l’inconnu avec joie ; ne pas gémir inutilement sur la souffrance, mais en faire, avec fermeté, un fond noir pour les joies claires afin d’accroître leur éclat.

Elizabeth Goudge, L’Arche dans la tempête, 1934


Elle aimait prolonger cet état de latence, d’engourdissement, ne rien prévoir, laisser aller les choses comme elles venaient, accueillir l’étirement du temps.

Delphine de Vigan, Rien ne s’oppose à la nuit, 2011


et un essai de définition

L’accueil n’est pas une essence isolée, comme on veut parfois le laisser entendre, lorsqu’on le compare trop rapidement au recueil et au recueillement. Au contraire, loin de s’identifier à un repli sur soi, à l’opposé sans doute du recueillement, l’accueil est un rapport à l’extériorité, une ouverture par laquelle on se tient sur un seuil entre soi et l’autre, ou entre soi et les autres.
Le seuil, c’est comme le pas de la porte : je ne suis plus tout à fait dedans, à l’abri de la maison, qui est l’abri contre l’extériorité, et même qui est l’abri contre l’altérité. La notion de seuil suggère une oscillation entre le dedans et le dehors. […] Au delà du seuil existe l’inconnu (et c’est pourtant l’inconnu que l’accueil devra recevoir) affecté de la dangerosité, réelle ou fantasmée ; généralement, est dangereux ce qui menace de me forcer à changer, et tout ce qui se tient dans la complète extériorité qui s’étale au-delà du seuil me contraint à changer dès que j’entre en rapport avec lui. Le seuil est le lieu où on se tient entre soi et l’autre, un lieu où l’on se découvre, où l’on s’expose à un certain risque. […]

Cette volonté d’accueillir n’est pas spontanée : elle s’accompagne d’un effort. L’effort est cette décision de l’esprit qui nous arrache aux habitudes, aux automatismes et aux mécanismes, dans la poursuite d’un but que l’on s’est librement proposé. L’accueil exige, sur le fond d’un acte de la volonté, un effort qui bouscule l’accueillant dans son confort et dans ses habitudes, et même dans sa vie quotidienne. Qui veut se faire accueillant doit se faire violence, et accepter d’être bousculé dans son confort. […]

Donc la question doit toujours être posée ainsi : accueil de qui ? accueil de quoi ? Toujours de l’autre, toujours de l’étranger, toujours de l’inconnu ; bref, il n’y a d’accueil que de l’altérité.

Robert Redeker, Qu’est-ce que l’accueil ?, 2001, conférence

Finir en beauté avec l’hymne de UP for Humanness

L’humanité est unité, fais-la grandir

L’autre est précieux, rencontre-le

La vérité est infinie, cherche-la

La Terre est notre paradis, cultive-le

Chaque personne est une histoire sacrée, défends-la

Ce que tu as éprouvé de beau, transmets-le

La vie est mouvement, deviens ce que tu es

Aime la justice, ose être libre

Le travail est une force, fais lumière sur les talents

Pardonne-toi, pardonne-leur

La violence est odieuse, construis la paix

La souffrance n’a aucun sens, fais-toi proche

Que le jour se lève et que l’ombre s’enfuie !

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