Inspiration au voyage

par | 7 Déc 2020 | Insertion durable

Envie de voyage, d’escapade, de nouveaux paysages, de dépaysement, de légèreté, de beau, de rencontres… Ce désir nous étreint pour faire face au rétrécissement actuel de nos possibilités, de nos libertés, de nos horizons.

Ces différentes œuvres nous invitent au voyage vers de nouvelles contrées ou à l’exploration de nous-même. Grâce aux souvenirs, à la rêverie, à la description ou représentation poétique, nous voilà chacun embarqué, aventurier, vagabond, errant, flâneur ou assoiffé de découvertes et rencontres. Chaque œuvre est en ce sens fidèle et créatrice : elle est le témoignage d’un auteur, de son vécu, de ses émotions, … et toujours en même temps une source vivifiante pour celui qui la reçoit.

Joyeuse rêverie à tous et belle création !


S’inspirer par l’art pour partir en voyage

Invitation au voyage avec un détail d'étude de ciel de Eugène Boudin
Étude de ciel, détail – Eugène Boudin (1824 – 1898)

Précurseur de l’impressionnisme, Eugène-Louis Boudin nous invite à la rêverie avec ce ciel qui permet à notre imagination d’entreprendre tous les voyages. Ce « roi des ciels », spécialiste des peintures liées à la mer, aux paysages des côtes normandes ou bretonnes, aux plages et aux stations balnéaires trouve naturellement sa place dans cette inspiration au voyage.


Respirer par la poésie…

L’invitation au voyage

Mon enfant, ma sœur,
Songe à la douceur
D’aller là-bas vivre ensemble !
Aimer à loisir,
Aimer et mourir
Au pays qui te ressemble !
Les soleils mouillés
De ces ciels brouillés
Pour mon esprit ont les charmes
Si mystérieux
De tes traîtres yeux,
Brillant à travers leurs larmes.

Là, tout n’est qu’ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.

Des meubles luisants,
Polis par les ans,
Décoreraient notre chambre ;
Les plus rares fleurs
Mêlant leurs odeurs
Aux vagues senteurs de l’ambre,
Les riches plafonds,
Les miroirs profonds,
La splendeur orientale,
Tout y parlerait
À l’âme en secret
Sa douce langue natale.

Là, tout n’est qu’ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.

Vois sur ces canaux
Dormir ces vaisseaux
Dont l’humeur est vagabonde ;
C’est pour assouvir
Ton moindre désir
Qu’ils viennent du bout du monde.
– Les soleils couchants
Revêtent les champs,
Les canaux, la ville entière,
D’hyacinthe et d’or ;
Le monde s’endort
Dans une chaude lumière.

Là, tout n’est qu’ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.

Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal (1857)


J’épie de loin,
Je vois ce qui est près,
La lune et les étoiles,
La forêt et le chevreuil.
Ainsi je vois partout
L’éternelle beauté ;
Et comme les choses m’agréent.

Second Faust, acte V, « Nuit profonde », v. 11292 (Chant du guetteur , avril 1831)


…la littérature…

Le visage est ce trésor unique que chacun offre au monde. C’est bien en termes d’offrande, ou d’ouverture, qu’il convient de parler du visage. Car le mystère et la beauté d’un visage, en fin de compte, ne peuvent être appréhendés et révélés que par d’autres regards, ou par une lumière autre. À ce propos, admirons ce beau mot de visage en français. Il suggère un paysage qui se livre et se déploie, et, en lien avec ce déploiement, l’idée d’un vis-à-vis.

François Cheng, Cinq méditations sur la beauté, 2006


J’ai consacré ces temps de la grande captivité, non pas à me lamenter sur les ruines, en invoquant impérieusement le secours d’en haut, mais à rassembler et dénombrer nos ressources amassées, – celles qu’aucun vainqueur ne peut nous enlever, – nos souvenirs.

Romain Rolland, Le Voyage intérieur :  Songe d’une vie, 1959 (2e édition)


…le récit de voyage…

Ratisbonne, 3 septembre 1786

Je me suis enfui de Carlsbad à trois heures du matin : autrement on ne m’aurait pas laissé partir. La société qui avait bien voulu célébrer, le 28 août, mon anniversaire de la manière la plus amicale, s’était bien acquis par là le droit de me retenir, mais je ne pouvais différer plus longtemps. Muni d’une simple valise et d’un porte-manteau, je me suis jeté tout seul dans une chaise de poste, et, à sept heures et demie, j’arrivais à Zwodau par une matinée brumeuse, mais belle et tranquille. Les nuages supérieurs étaient striés et laineux ; les inférieurs, pesants. Ils me semblèrent de bon augure. (…)

VENISE

            Il était donc écrit, à ma page, dans le livre du destin, que l’an 1786, le 28 septembre au soir, à cinq heures, selon nos horloges, je verrais Venise pour la première fois, en débouchant de la Brenta dans les lagunes, et que, bientôt après, je poserais le pied dans cette merveilleuse ville insulaire, dans cette république des castors ! Ainsi donc, Dieu soit loué ! Venise n’est plus pour moi un simple mot, un vain nom, qui m’a tourmenté souvent, moi, l’ennemi mortel des paroles vides.
            Quand la première gondole s’est approchée du coche d’eau (elles viennent prendre les passagers qui désirent arriver plus vite à Venise), je me suis rappelé un jouet de mon enfance, auquel je n’avais pas songé peut-être depuis vingt ans. Mon père possédait un joli modèle de gondole, qu’il avait rapporté d’Italie ; il y attachait beaucoup de prix, et il était sûr de me faire une grande faveur, quand il me permettait de m’en amuser. Les premiers éperons de tôle brillante, les cages noires des gondoles, tout m’a salué comme une vieille connaissance : j’ai senti une aimable impression d’enfance, qui m’avait fui longtemps.

Goethe, Voyage en Italie, 1786-1788


Le viel homme : – Pourquoi marchez-vous ?
Nous : – Pour venir vous voir.
Le viel homme : – Pourquoi pas en voiture ?
Nous : – Parce qu’on ne vous aurait pas vu. (…) Le Kili, c’est une capacité à encaisser la douleur. La nuit fut rude. La migraine revient quand on s’allonge. Foudroyante. Une douleur à dormir debout. (…)
            Une fois sur pied, la migraine passe. Nous nous suivons religieusement en procession silencieuse. Pas à pas, peu à peu, l’aube investit le ciel. Le pic Uhuru est le premier à recevoir le soleil en Afrique. Honneur au seigneur ! Ça y est. Il est touché par la lumière.
            Plus que cent mètres ! Compte à rebours.
            Nos cœurs battent la chamade, un vaste sentiment de gratitude nous envahit, une banderole de drapeaux tibétains multicolores claque dans le vent et applaudit notre arrivée au sommet, sommet de notre marche, apogée et mi-parcours.
            Tout tourbillonne autour de nous dans une étreinte. Nos larmes givrent sur nos joues, nous sommes ivres de bonheur. (…)
            Bien acclimatés, nous restons deux heures au sommet à jouir de la seule rançon valable à tant d’efforts : la contemplation.

Sonia et Alexandre Poussin, Africa Treck 1, Du Cap au Kilimandjaro, 2007


La philosophie pour interroger le voyage

Notons d’ailleurs qu’une rêverie, à la différence du rêve, ne se raconte pas. Pour la communiquer, il faut l’écrire, l’écrire avec émotion, avec goût, en la revivant d’autant mieux qu’on la récrit. Nous touchons là au domaine de l’amour écrit. La mode s’en perd. Mais le bienfait demeure. Il est encore des âmes pour lesquelles l’amour est le contact de deux poésies, la fusion de deux rêveries. Le roman par lettres exprime l’amour dans une belle émulation des images et des métaphores. Pour dire un amour, il faut écrire. On n’écrit jamais trop. Que d’amants qui rentrés des plus tendres rendez-vous ouvrent l’écritoire ! L’amour n’a jamais fini de s’exprimer et il s’exprime d’autant mieux qu’il est plus poétiquement rêvé. Les rêveries de deux âmes solitaires préparent la douceur d’aimer. Un réaliste de la passion ne verra là que formules évanescentes. Mais il n’en reste pas moins que les grandes passions se préparent en de grandes rêveries. On mutile la réalité de l’amour en la détachant de toute son irréalité. (…) L’imagination tente un avenir. Elle est d’abord un facteur d’imprudence qui nous détache des lourdes stabilités. Nous verrons que certaines rêveries poétiques sont des hypothèses de vies qui élargissent notre vie en nous mettant en confiance dans l’univers. Nous donnerons, dans le cours de notre ouvrage, de nombreuses preuves de cette mise en confiance dans [8] l’univers par la rêverie. Un monde se forme dans notre rêverie, un monde qui est notre monde. Et ce monde rêvé nous enseigne des possibilités d’agrandissement de notre être dans cet univers qui est le nôtre.

Gaston Bachelard, La poétique de la rêverie, 1960


Quelle portée donner à l’invitation à « imaginer une rivière » dans une réflexion sur les pratiques environnementales ? Sollicite-t-elle un nouveau discours de la méthode, plus adapté aux théories et pratiques exigées par la transition écologique ? Au dualisme traditionnel qui fait de la nature notre « autre », la valorisation de l’imagination oppose une attention aux relations et aux partialités vécues avec l’écoumène. Elle rompt avec les rationalisations propres à l’ingénierie et à la gestion environnementale. Mais il faut pour cela montrer que l’imagination dans l’agir environnemental ouvre sur une rationalité métisse. Cette intelligence sensible a ses méthodes, allant de la simulation à la prospective utopique. Elle se met à l’écoute des expériences sensibles de l’écoumène données dans la littérature et les arts, les pratiques sociales, les systèmes sociotechniques, les imaginaires. Il s’agit alors de mettre au point des outils de description des différentes formes de violence environnementale et des chemins de solutions.


S’inspirer par la musique et entreprendre un voyage

disques vinyl pour partir en voyage grâce à la musique

La musique de l’inspiration au voyage de cette semaine nous est offerte par Georges Brassens. Cette chanson d’Henri Colpi et Georges Delerue, écrite pour le film éponyme d’Henri Colpi en 1970, reprend le premier alexandrin du sonnet de Joachim Du Bellay « Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage ».

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