Parmi les victimes de cette dégradation de la santé mentale, on trouve aussi les aidants des personnes atteintes de troubles psychiques. Marie-Jeanne Richard présente dans cet article les difficultés que peuvent rencontrer cet entourage et les propositions d’aide qu’offre l’Unafam (Union Nationale de Familles et Amis de personnes malades et/ou handicapées psychiques), association dont elle est aujourd’hui présidente.

Lorsqu’un membre de la famille souffre de troubles psychiques, tenir le lien familial est un véritable exercice d’équilibriste. La charge émotionnelle est alors très grande, aggravée par la culpabilité « Qu’est- ce que j’ai loupé ? », renforcée par la stigmatisation et le manque de connaissances sur la maladie et le handicap psychiques. Ces aidants présentent un moins bon niveau de santé physique et psychique en comparaison à la population générale 1, 2.

Depuis sa création en 1963, l’Unafam donne aux familles les outils qui leur permettent d’agir et ne plus subir. Il est important que les familles soient formées et informées pour sortir de la honte. L’entourage est une ressource mais sa formidable potentialité d’aide ne peut se concrétiser que s’il est accompagné dans son propre chemin de rétablissement 3.

Il est nécessaire d’aider les enfants et les jeunes adultes à comprendre les situations, à les verbaliser.

Les troubles psychiques sévères isolent la personne et son entourage. Il est important de ne pas rester seul, tout particulièrement quand maintenir le lien est trop dur, trop chargé d’émotions, trop chargé d’angoisses. L’Unafam a développé le concept de la pair-aidance famille. L’accueil et l’entraide se font par des pairs-familles formées. Elle s’est dotée d’une offre de formation diversifiée faisant une part à la fois au e-learning et aux échanges en présentiel, formation dispensée par des professionnels et des pairs-familles. Avec Eufami, nous avons développé une offre de pair- éducation (le programme Prospect) complémentaire à la psychoéducation portée par les soignants.

L’Unafam n’oublie pas les enfants et jeunes adultes. S’il est essentiel de ne pas faire porter à la personne la responsabilité d’être malade, quand les troubles psychiques envahissent la sphère familiale, il est nécessaire d’aider les enfants et les jeunes adultes à comprendre les situations, à les verbaliser. Lescomportements décalés restent incompréhensibles sans accompagnement.

Les aidants ne sont pas LA solution. Par manque d’offres, les personnes vivant avec des troubles psychiques restent, trop souvent, sans suivi adapté à leurs besoins de soins (délai, absence de soignants…), et sans compensation de leur handicap. À défaut d’être aidées par les structures adéquates, ce sont les familles des personnes concernées qui viennent en aide à leurs proches. Le baromètre Unafam 2023 4 révèle qu’en quatre ans l’accès à certains droits a régressé, le handicap psychique restant encore un impensé des politiques publiques 5. Venir en aide financièrement à leur proche fait partie du quotidien de 71 % des aidants. 30 % hébergent un proche dans une cohabitation pas toujours choisie. Ces difficultés d’accès aux droits des personnes vivant avec des troubles psychiques, sont un frein à leur rétablissement et à une vie choisie satisfaisante.

Le manque d’accompagnement fait peser sur les familles la charge et la responsabilité d’y pallier et génère, de façon silencieuse, une charge mentale et une inquiétude permanente du lendemain. Dans le baromètre Unafam 2023, 78 % des aidants expriment le sentiment de n’être pas suffisamment accompagnés dans le parcours de vie de leur proche. 71 % déclarent qu’ils auraient besoin d’aide et de support au quotidien par un professionnel pour, en premier lieu, avoir du repos et du répit. 93 % d’entre elles ne sont pas confiantes dans l’accueil et l’accompagnement dont pourra bénéficier leur proche lorsqu’elles ne seront plus là.

Ces chiffres alarmants ne témoignent pas d’une peur irrationnelle : les familles savent que sans leur aide leur proche connaît un risque beaucoup plus élevé de se précariser dangereusement et d’être privé de ses droits.