Nous souhaitons pour cette dernière Inspiration du lundi de l’année vous envoyer de la lumière ! Nous sommes particulièrement en quête de lumière … en ces mois d’automne où la lumière se fait plus rare, où les rayons du soleil ont du mal à percer à travers les nuages dans les quelques heures du jour qui lui sont données, … mais aussi avec cette crise sanitaire qui n’en finit pas et qui multiplie les incertitudes dans nos vies.
Pourtant ces jours sont marqués par la lumière : lumières des mains tendues et d’une créativité inouïe pour diminuer les effets de la crise, lumières des fêtes de fin d’année qui scintillent dans nos rues, lumières d’Hanouka pour les Juifs avec une nouvelle bougie allumée chaque soir pendant 8 jours pour commémorer le Temple de Jérusalem reconquis et l’huile sainte retrouvée, lumière de Noël du petit enfant de la crèche pour les Chrétiens, Dieu qui vient prendre la condition d’Homme pour accompagner chacun, lumière d’espérance qui s’offre à l’humanité.
Cette lumière qui semble manquer est autour de nous et en chacun de nous : rappelons-nous le jeu de la lumière avec les nuages ou la nature animant d’une manière totalement inédite ce paysage familier, rappelons-nous aussi cette lueur dans le regard d’un être aimé irradiant tout notre être. Explorons enfin à l’intérieur de nous-mêmes les sources jaillissantes qui nous donnent paix et joie.
Voilà les invitations des différents auteurs et artistes choisis cette semaine.
Beau voyage et joyeuses fêtes de fin d’année à tous ! Que 2021 soit lumineuse pour chacune et chacun !
S’inspirer par l’art pour trouver la lumière
Louis-Paul Crétenet, artiste français, vit la peinture comme une catharsis et a fait de cet art une passion.
Découvrez son travail, sur la lumière, l’architecture ou encore les marines, avec des techniques et supports variés.
Respirer par la poésie…
À la lumière
Dans l’essaim nébuleux des constellations,
Ô toi qui naquis la première,
Ô nourrice des fleurs et des fruits, ô Lumière,
Blanche mère des visions,
Tu nous viens du soleil à travers les doux voiles
Des vapeurs flottantes dans l’air :
La vie alors s’anime et, sous ton frisson clair,
Sourit, ô fille des étoiles !
Salut ! car avant toi les choses n’étaient pas.
Salut ! douce ; salut ! puissante.
Salut ! de mes regards conductrice innocente
Et conseillère de mes pas.
Par toi sont les couleurs et les formes divines,
Par toi, tout ce que nous aimons.
Tu fais briller la neige à la cime des monts,
Tu charmes le bord des ravines.
Tu fais sous le ciel bleu fleurir les colibris
Dans les parfums et la rosée ;
Et la grâce décente avec toi s’est posée
Sur les choses que tu chéris.
Le matin est joyeux de tes bonnes caresses ;
Tu donnes aux nuits la douceur,
Aux bois l’ombre mouvante et la molle épaisseur
Que cherchent les jeunes tendresses.
Par toi la mer profonde a de vivantes fleurs
Et de blonds nageurs que tu dores.
Au ciel humide encore et pur, tes météores
Prêtent l’éclat des sept couleurs.
Lumière, c’est par toi que les femmes sont belles
Sous ton vêtement glorieux ;
Et tes chères clartés, en passant par leurs yeux,
Versent des délices nouvelles.
Leurs oreilles te font un trône oriental
Où tu brilles dans une gemme,
Et partout où tu luis, tu restes, toi que j’aime,
Vierge comme en ton jour natal.
Sois ma force, ô Lumière ! et puissent mes pensées,
Belles et simples comme toi,
Dans la grâce et la paix, dérouler sous ta foi
Leurs formes toujours cadencées !
Donne à mes yeux heureux de voir longtemps encor,
En une volupté sereine,
La Beauté se dressant marcher comme une reine
Sous ta chaste couronne d’or.
Et, lorsque dans son sein la Nature des choses
Formera mes destins futurs,
Reviens baigner, reviens nourrir de tes flots purs
Mes nouvelles métamorphoses.
Anatole France (1844-1924)
La nuit n’est jamais complète.
Il y a toujours puisque je le dis,
Puisque je l’affirme,
Au bout du chagrin,
une fenêtre ouverte,
une fenêtre éclairée.
Il y a toujours un rêve qui veille,
désir à combler,
faim à satisfaire,
un cœur généreux,
une main tendue,
une main ouverte,
des yeux attentifs,
une vie : la vie à se partager.
Paul Éluard (1895-1952)
…la littérature…
L’étincelle qui sort de la pierre, la pâleur de la lune, la rougeur du soleil, les étoiles qui scintillent, les comètes qui flamboient, tout cela c’est la lumière, essence unique qui a des modalités différentes (…) (p. 237)
Sa vie est obscure. À la surface, triste pour les autres et pour lui-même, elle s’écoule dans la monotonie des mêmes travaux et des mêmes contemplations solitaires ; rien ne la recrée ni la soutient, elle paraît rude et dure, elle est froide au regard ; mais elle resplendit à l’intérieur de clartés magiques et de flamboiements voluptueux ; c’est l’azur d’un ciel d’Orient tout pénétré de soleil. (p. 278)
Gustave Flaubert, La première éducation sentimentale, Seuil, Paris, 1963
La flamme de vie de l’être qui fleurit est une tension vers le monde de la pure lumière.
Gaston Bachelard, La Flamme d’une chandelle, PUF Paris, 1962, p. 86
(…) regarde en toi, lis bien, lis tout, chaque accident des ténèbres, chaque épiphanie de la lumière. Regarde en toi et laisse tout le reste.
La lumière de Conques est blonde. Diables et anges sur le tympan semblent sculptés dans le sable d’une plage. La grande marée de l’éternel reprendra tout. Il restera, après la fin de tout, un papillon blanc. Un éclair traversant le vitrail de nos yeux quand nos yeux contemplant la vie simple, par avance voyaient Dieu. (p.33-34)
Je ne vis que pour quelques éclairs imprévisibles : un arrachement, quelque chose qui plonge sa main dans ma poitrine et en sort, trempé de lumière, un nuage, un poème, une abbatiale. (p. 46)
Il n’y a que des miracles dans cette vie, et notre aveuglement en est un, le plus grand. Dans cette librairie à Paris, j’ai regardé les visages et j’ai soudain compris que nous vivions tous à bas rythme, et j’ai vu que si nous vivions vraiment la librairie aurait été en feu, incendiée de visages pareils à des soleils. (p. 50)
Nos cœurs sont ces cercueils d’abeilles. La lumière des jours s’y métamorphose à notre insu en sentiment inexplicable que vivre vaut la peine, toute la peine. (p. 87)
Mon amour ne te regarde pas. Il ne me concerne même pas. Il me traverse et, en me traversant, me change comme fait la lumière avec les vitraux de Conques. (p. 95) Ton œil a depuis toujours demandé à la terre ce qui survivrait d’elle et de nous. La lumière, la lumière, la lumière – fut la réponse. (p. 194)
Christian Bobin, La nuit du cœur, Gallimard, 2019
La philosophie
[A propos de L’origine de l’œuvre d’art] : La lumière du paraître ordonnée en l’œuvre, c’est la beauté. La beauté est un mode d’éclosion de la vérité. La vérité veut être érigée dans l’œuvre en tant que combat entre monde et terre… Dans ce combat est conquise l’unité du monde et de la terre, de haute lutte.
Martin Heidegger, Chemins qui ne mènent nulle part, entre 1934 et 1946
(…) Un corps humain est là quand, entre voyant et visible, entre touchant et touché, entre un œil et l’autre, entre la main et la main se fait une sorte de recroisement, quand s’allume l’étincelle du sentant-sensible, quand prend ce feu qui ne cessera pas de brûler, jusqu’à ce que tel accident du corps défasse ce que nul accident n’aurait suffi à faire… Or, dès que cet étrange système d’échanges est donné, tous les problèmes de la peinture sont là. Ils illustrent l’énigme du corps et elle les justifie.
Puisque les choses et mon corps sont faits de la même étoffe, il faut que sa vision se fasse de quelque manière en elles, ou encore que leur visibilité manifeste se double en lui d’une visibilité secrète : « la nature est à l’intérieur », dit Cézanne. Qualité, lumière, couleur, profondeur, qui sont là-bas devant nous, n’y sont que parce qu’elles éveillent un écho dans notre corps, parce qu’il leur fait accueil. (p. 21-22)
Maurice Merleau-Ponty, L’Œil et l’Esprit, 1960
IL NE FAUT POINT S’ATTARDER AUX PENSEES DEPRIMANTES
XV. (1) Mais il ne sert à rien d’avoir banni les motifs de tristesse personnelle. Parfois en effet nous assaille la haine du genre humain, quand se présente à l’esprit combien il y a de crimes heureux. Quand on pense combien est rare la droiture, inconnue la probité ; quand on songe à l’absence presque complète de loyauté, sinon quand elle est utile ; aux profits et pertes, également odieux, de la débauche ; à l’ambition qui, sortant de ses propres limites, va jusqu’à trouver de l’éclat dans l’infamie, l’âme alors se laisse engloutir dans la nuit ; et dans cette espèce de crépuscule des vertus où sombrent l’espoir de les rencontrer et le fruit de leur exercice, les ténèbres recouvrent tout.
(2) Sur ce point il faut renverser notre manière de voir ; il faut que ces vices de la foule nous paraissent non pas odieux, mais risibles ; prenons pour modèle Démocrite plutôt qu’Héraclite. Celui-ci pleurait chaque fois qu’il paraissait en public ; celui-là riait ; l’un ne voyait que malheurs dans tout ce que nous faisons, l’autre n’y voyait que sottises. Il faut toujours prendre les choses à la légère, et les supporter avec bonne humeur ; il est plus humain de rire de la vie que d’en pleurer. (3) Ajoute que l’on rend plus de service au genre humain en se moquant de lui qu’en se lamentant : on laisse un peu de place à l’espoir du meilleur, au lieu de pleurer sottement de ce que l’on désespère de corriger.
Sénèque, De la tranquillité de l’âme, ~60 ap. J.-C.
S’il vous a si longuement conté les vingt premières années de sa vie, c’est qu’il est convaincu qu’elles ne lui appartiennent plus en propre, mais qu’elles sont là, grandes ouvertes, à qui veut les prendre. Son plus grand souhait est d’avoir su montrer – ne fût-ce qu’un peu – ce qu’elles ont contenu, par la grâce de Dieu, de vie, de lumière, de joie.
(…) Il voulait lui montrer sa reconnaissance, et ne voyait pas, pour le faire, de meilleur moyen que de dire ces deux vérités sans frontière qu’il connaît si bien :
La joie ne vient pas du dehors. Elle est en nous quoiqu’il nous arrive.
La lumière ne vient pas du dehors. Elle est en nous, même sans les yeux.
Jacques Lusseyran, Et la Lumière fut, 1961 (écrivain, aveugle, témoignage des camps)
S’inspirer par la musique et entendre la lumière
Deux inspirations musicales cette semaine !
La première vient tout droit des bacs de la chanson française des 80’s. Elle nous est offerte par Michel Berger qui l’a écrite pour France Gall en 1983 : « Lumière du jour ».
La seconde est à écouter en même temps que vous lirez le poème des atomes…
Ô Jour, lève-toi ! Fais resplendir ta Lumière, les atomes dansent. Grâce à Lui l’Univers danse, les âmes dansent, éperdues d’extase, libérées du corps et de l’esprit, Je te murmurerai à l’oreille où les entraîne leur danse. Tous les atomes dans l’air et dans le désert dansent, étourdis et ivres dans un rayon de lumière, comme fous. Tous ces atomes ne sont pas si différents de nous, heureux ou malheureux, hésitants et déconcertés Nous sommes tous des Êtres dans le rayon de lumière du Bien-Aimé, au-delà des mots.
Le poème des atomes, Jalâl al-Ddîn Rûmî – musique de Armand Amar
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