Article publié dans la revue Pour un monde plus humain de UP for Humanness en décembre 2023-mars 2024
Danseuse et chorégraphe « ultra-polyvalente », Charline Robert est en exploration continue des différents styles et approches de son art. En cours de carrière, elle a décidé de se former à la danse « adaptée » pour pouvoir transmettre sa passion à des publics souvent éloignés de la danse, notamment en situation de handicap, convaincue des bienfaits que cela peut leur apporter.
J’ai le plaisir d’intervenir auprès d’enfants autistes depuis 2 ans. Je souhaite leur partager ma passion pour la danse, comme je le fais déjà auprès de publics neurotypiques1.
À chaque séance, j’utilise la danse comme moyen de reconnexion au corps et de connexion à l’autre. Ce sont des domaines dans lesquels les personnes autistes peuvent rencontrer des difficultés, bien que chaque individu soit différent au sein même d’une catégorie de handicap, et particulièrement de l’autisme. Par des exercices, que j’appelle plutôt des jeux, les enfants se mettent en mouvement seuls, puis par deux, puis en groupe avec de la musique. Une consigne essayée est une consigne réussie, il n’y a pas d’échec possible. En fonction de leur état de fatigue ou d’agitation, j’adapte la séance sans pour autant modifier le déroulé (la nouveauté peut parfois être déstabilisante pour ce public).
On a pu observer, avec les éducateurs, des progrès dans l’écoute de l’autre, dans la concentration et dans l’appropriation du corps et de l’espace. Certains se sentent aussi plus apaisés après une séance à s’être dépensés, à avoir bougé et à s’être mobilisé physiquement.
La danse adaptée part du principe
que tout le monde peut danser.
Ce sont en réalité des bienfaits que nous pouvons observer chez n’importe quel amateur de danse. La danse permet – au-delà de la remise en forme via l’exercice physique que cela représente – de se libérer émotionnellement, de retrouver une relation avec son propre corps et ainsi de se sentir mieux, voire même plus confiant. On s’évade, ou alors on exprime ce qui nous touche, nous gêne, nous rend joyeux… On se lâche !
La danse adaptée part du principe (universel à mon sens) que tout le monde peut danser. Le mouvement est en chacun de nous, peu importe la condition physique ou mentale. Avec la danse adaptée, on préfère voir les capacités plutôt que les limites, les superpouvoirs insoupçonnés derrière les barrières qui peuvent parfois être imposées par la vie ou la société.
C’est pourquoi j’ai eu envie de m’y former. Je souhaite partager ma passion au plus grand nombre, sans distinction et ainsi réunir des horizons variés, sources infinies d’enrichissement. Je trouvais cela injuste que certaines populations, et ici pour moi les personnes en situation de handicap, y aient un accès limité, dispensé seulement dans certains cas ou si quelqu’un décide que cela est bon pour la personne. Je suis persuadée que la danse et le mouvement sont des formes de soins, vecteurs d’émotions et de sensations. Si l’un des participants ressent le moindre moment de bien-être, d’apaisement, de joie en dansant, alors j’ai réussi ma mission. Apporter cette évasion d’un quotidien qui peut être lourd, difficile, douloureux, est un projet qui m’anime.
Rendre la danse accessible à tous permet selon moi une mixité, essentielle à la croissance de la bienveillance, dont nous avons tant besoin. La danse autorise chacun à s’exprimer de la façon dont il le souhaite, et demande aussi l’écoute de l’autre. Des échanges se créent entre des personnes que nous n’aurions peut-être pas imaginées se côtoyer, car ils se retrouvent autour d’un mouvement, d’un moment, d’un hobby qui permet de sortir de la routine ou encore d’une passion qui véhicule et procure des émotions.
Je le répète : tout le monde peut danser, fille, garçon, jeune, sénior, avec ou sans handicap… Il serait bon de mieux en informer les enfants (ce n’est pas qu’un hobby de fille par exemple), mais aussi les centres de soin (qui s’ouvrent de plus en plus aux pratiques artistiques), et même les entreprises, pour recréer un lien social qui s’effiloche, et mettre à mal les préjugés sur la danse (je dois être souple, jeune, sportif…) pour reconnecter les individus avec le plaisir de simplement se mettre en mouvement.
Je crois profondément que la danse devrait être proposée partout ! À l’école, pour la prise de conscience du corps et de l’espace mais aussi pour la gestion des émotions. En parcours professionnel, pour (re)prendre confiance en soi. En milieu médical, pour aider le corps à gérer les soins par exemple. En entreprise, pour créer du lien et une activité physique, nécessaire au bien-être des salariés. Et finalement, comme tout le monde peut danser, je recommande à tous de danser tous les jours, n’importe comment et n’importe quand, quand le besoin ou l’envie de simplement bouger se fait ressentir. Mettez du mouvement dans votre vie, et la danse sauvera le monde !
1 Le terme neurotypique désigne une personne ayant un fonctionnement neurologique considéré « dans la norme » en opposition par exemple à certains types de handicaps comme l’autisme ou la déficience intellectuelle.
Charline Robert
Danseuse et professeure de danse, elle est passionnée par la danse sous toutes ses formes et a toujours souhaité s’ouvrir à plusieurs styles et publics. Formée à la Danse Adaptée et Inclusive au sein de l’Institut des Arts Inclusifs par Cécile Martinez, elle enseigne désormais la danse adaptée lors d’ateliers ponctuels et lors de cours hebdomadaires dans différentes structures dont des Instituts Médico-éducatifs (IME) et des associations comme UP for Humanness.